Andaman Trunk Road, Iles Andaman, Inde
Réveil à 3h30, départ à 4h00 pour rejoindre Long Island par la route forestière. Nous choisirons cette option de peur de ne pas avoir de place sur le ferry gouvernemental. Il y a effectivement beaucoup de rumeurs qui circulent sur un nombre important de passagers, indiens comme étrangers, qui restent bloquer au port plusieurs jours faute de place. On nous assure que le ferry au départ de Yeratta, près de Rangat, sera moins prisé étant utilisé principalement par les locaux, dont les enfants de Long Island pour se rendre à l'école. Il y a donc deux rotations par jour, calées sur les horaires d'école. Nous visons celui de 16h00. Si on le loupe, on dort à Rangat. D'où une certaine motivation pour ne pas rater notre réveil.
Nous partirons en pleine nuit et attendrons vers 5h00 le poste de contrôle à l'entrée de la réserve tribale des Jarawa. Formalités à remplir, y compris pour les Indiens car ici, tout est fait pour limiter les contacts entre la tribu et le monde extérieur. Une gageure lorsque l'on sait que la route que l'on va emprunter coupe leur territoire en deux! Mais l'intention est louable et c'est bien mieux ainsi. Il nous sera donc interdit de faire des photos durant tout le trajet au sein de la réserve (une cinquantaine de kilomètres) et même de s'arrêter. Nous roulerons en convois, encadrés par des véhicules de police armée. Il existe quatre convois par jour dans chaque sens. Le premier part à 6h00 - ce sera le nôtre -, les suivants partent à 9h00, 12h30 et le dernier à 14h30.
De petites échoppes offrent de quoi se restaurer et occupent le voyageur avant le départ de chaque convoi. Un petit temple domine les lieux. Nous profiterons du lever de soleil sur la jungle embrumée. Un moment magique.
Avant de partir, un rappel en hindi des consignes à respecter est diffusé sur des haut-parleurs nasillards.
Nous voici donc en route. La forêt tropicale est magnifique, en particulier sous les rayons de lumière qui arrivent petit à petit à percer l'épaisse canopée. Nous traversons deux cours d'eau enjambés par des ponts en fer limités à un seul véhicule à la fois. Autant ne pas tenter le diable car les secours ne sont pas à proximité... De grands arbres émergent de la forêt, tandis que le premier niveau est recouvert d'une végétation d'un vert intense et recouverte de lianes. De temps en temps, des bambous apparaissent ainsi que de petites clairières. La distance entre chaque véhicule est de plusieurs centaines de mètres, ce qui permet de profiter pleinement du paysage et renforce encore le côté "aventure". A une vitesse limitée à 40km/h, il nous faudra environ une heure et demie pour traverser la réserve et atteindre le premier bac, celui de Baratang.
Deux bateaux en rotation permettent de franchir le bras de mer qui sépare les deux rives. Nous sommes en pleine jungle, et une belle mangrove s'étire sur les berges. Le spectacle autour du bac est fascinant, d'abord pour son rythme. Rien à voir avec ce que nous pourrions voir en Chine. Ici, les gens sont patients, respectueux des règles et ne cherchent pas à doubler les autres. Il nous faudra attendre le quatrième bac pour continuer notre route (2 heures d'attente). Les bus publics et camions sont visiblement prioritaires sur les véhicules privés. Une fois les premiers bus sortis, la foule des passagers quitte le bac pour rejoindre leur bus. Mieux vaut ne pas le louper! Puis, les 4x4 et voitures sortent à leur tour du bac, la plupart en marche arrière. Je tire mon chapeau aux chauffeurs. Je ne serais pas très fier si j'avais à réaliser la manœuvre. Mais tout le monde aide, donne des conseils et si quelqu'un a du mal, une foule de badauds se forme rapidement, le tout dans une ambiance très bon enfant.
Nous embarquons à notre tour. La traversée qui dure peut-être une quinzaine de minutes offre une vue splendide sur la mangrove et peu à peu, apparaît une île qui sépare le bras de mer en deux.
Nous arrivons au village de Baratang, où il est possible de visiter des grottes de calcaires réputées magnifiques. Malheureusement, nous sommes lundi, le jour de fermeture hebdomadaire. Nous ferons donc simplement une halte pour permettre à notre chauffeur de prendre son petit-déjeuner. Pendant ce temps, nous déambulons dans la petite rue qui mène au bac où se tiennent de multiples échoppes de nourritures et de boissons. Sur la berge, plusieurs panneaux avertissent du danger que représentent les alligators pour la baignade. Le décor est planté! Pas vraiment envie de jouer!
Nous reprenons la voiture et très rapidement, je réalise l'intérêt de la réserve qui clairement protège non seulement les Jarawa de la pression démographique, mais également protège leur environnement naturel nécessaire à leur vie, à savoir la forêt vierge. En effet, dès que nous atteignons l'autre rive, la forêt s'éclaircit sous l'action de l'homme, à la fois pour gagner des terres arables (il faut nourrir les familles), mais aussi pour l'exploitation forestière. De nombreux camions transportent en effet de gros troncs d'arbres que les éléphants dressés auront aidés à acheminer. Nous en verrons même un au bord de la route, attaché par une longue chaîne qui fera réagir nos filles.
La route reste malgré tout très agréable, et nous finirons par atteindre un second bac, celui-ci beaucoup plus calme que le premier : un plus petit bateau, très peu d'attente - nous aurons le second bac - et très peu de monde. La courte traversée offre des paysages à perte de vues sur la mangrove et la forêt tropicale maintenant peu montagneuse. Channary me fera remarquer les conditions de travail déplorable de l'opérateur moteur du bac : environnement bruyant, une odeur insoutenable de diesel, et une atmosphère enfumée par le moteur, bien entendu le tout sans aucune protection individuelle...
Un peu plus loin, nous entrons dans une seconde réserve également dédiée à la protection des Jarawa. Celle-ci nous paraîtra par contre beaucoup moins strictement respectée, en particulier du aux nombreux travailleurs indiens que nous y croiserons. La forêt plus éclaircie et moins escarpée renforce également ce sentiment de lieux moins primitifs. Et pourtant, c'est ici que nous croiserons deux hommes Jarawa.
Puis, la route se fait plus facile et nous arriverons aux alentours de 12h30 à Rangat, un gros village situé à peu près à mi-chemin entre Port-Blair et Xxx. C'est ici que nous déjeunerons, en face du marché, lui-même composé d'un ensemble de petites cases alignées les unes derrières les autres jusqu'en lisière d'une petite colline à la végétation luxuriante. Les cases les plus cossues donnent sur la rue principale et rivalisent par leur façade colorée pour attirer le chaland.
Après le repas et quelques emplettes réalisées au marché - peu animé à cette heure de la journée, probablement le moment de la sieste -, à quelques encablures, nous atteignons le port de Yeratta, situé au beau milieu de la mangrove. C'est marée basse, le bras de mer est très étroit, nous sommes seuls : Mais comment un ferry peut arriver jusqu'ici? Est-on sûr qu'un bateau effectue cette fameuse liaison vers Long Island? Notre chauffeur nous rassure et il est vrai qu'un bâtiment destiné aux passagers en quête d'ombre laisse à penser qu'il y a bien un ferry. On finit pas trouver une personne qui nous indique qu'il arrive à 15h00 pour repartir à 16h00. Nous avons donc un peu de temps que je mets à profit pour visiter la mangrove. Au-delà du panneau rappelant les risques de baignade (alligators), un ponton planté en pleine vase permet de pénétrer en sécurité au milieu des palétuviers. Au bout de quelques centaines de mètres, je découvre une pépinière de palétuviers, visiblement le signe d'une volonté gouvernementale de préserver cet espace naturel unique et fondamentale en tant que départ de la chaîne alimentaire. Tout au bout du ponton, je devine une tour d'observation qui émerge au milieu de deux superbes flamboyants. Je m'empresse de la rejoindre et même si un panneau indique qu'elle est en réparation, je prends le risque de monter à son sommet. Les 13 mètres de hauteur permettent de dominer la mangrove qui s'étend à perte de vue. Je n'arrive même pas à voir la mer à l'horizon!
L'heure du départ approche. Je rejoins l'embarcadère où plusieurs personnes sont arrivées depuis, visiblement pour prendre le ferry. C'est rassurant! Nous sommes très probablement au bon endroit.
Vers 15h15, le bateau arrive enfin. Taillé pour naviguer en eau peu profonde, il arrive à petite vitesse en négociant avec habileté le dernier virage qui débouche de la mangrove. Une fois le ferry vidé de ses passagers, nous embarquons avec nos deux grosses valises - les deux autres sont restées à Port-Blair car nous avions anticipé un voyage un peu plus compliqué - en faisant bien attention de ne pas les échapper dans l'eau. Nous serons sur le pont. A 15h30, deux coups de sirène, qui nous transpercent les tympans, annoncent le départ une demie-heure plus tôt que ce qui nous avait été indiqué. Par vraiment déçu d'être arrivés en avance... Nous paierons à bord du bateau, une fois partis. 48 INR (0,66 €) pour 4 personnes pour une traversée d'une heure...
Pendant une bonne vingtaine de minutes, nous serpenterons au milieu de la mangrove, le bras de mer s'élargissant au fur et à mesure. Nous y croiserons deux Long Tails, similaires à ceux que l'on peut voir en Thaïlande, à bord desquels des hommes se préparent à pêcher vraisemblablement en profitant de la marée montante. Puis, nous débouchons sur une sorte d'estuaire très large (peut-être un kilomètre) qui donne accès petit à petit à la pleine mer, avant d'arriver à Long Island dont nous pouvons deviner le ponton au loin.
Avant même de débarquer, je ressens l'âme de Long Island. Ici, pas de route, pas véhicule, une forêt tropicale préservée par une réserve et un seul petit village jouxtant aucun billet de retour et nous prévoyons de quitter l'île la veille de notre départ pour Shanghai. Restons confiants et profitons du rythme. Se procurer le billet le jour du départ sans savoir s'il y aura de la place fait partie en quelque sorte de l'ambiance de l'île. Au passage, pas de réseau Airtel (notre réseau affilié aux compagnies mobiles chinoises), et bien entendu pas d'internet.
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