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Jardine Matheson Building (1922) (House of Roosevelt), N°27, Le Bund, Shanghai

Deux entreprises familiales historiques

Le Bund a toujours été une galerie de pouvoir et de richesse. Le Jardine, Matheson & Co Building a logé deux entreprises familiales historiques d'une immense puissance et d'une richesse colossale. Aujourd'hui, Le N°27 s'appelle la  Maison de Roosevelt (House of Roosevelt), un immeuble commercial géré par Roosevelt Chine Investments Corp. Les portraits des deux présidents Roosevelt (Theodore et Franklin D.) et des ours en peluche (du nom de Théodore) sont exposés partout dans le bâtiment, en rappel de la légendaire famille américaine. Mais retournons en 1922, ce bâtiment de cinq étages fut érigé comme nouveau bureau pour la Jardine, Matheson & Co, la plus grande société de négoce en Chine et en Orient.

L'ancien bâtiment du N°27 sur le Bund, Shanghai
L'ancien bâtiment du N°27 sur le Bund, Shanghai
Jardine, Matheson & Co (House of Roosevelt), Le Bund, Shanghai, avant le rajout des 2 étages en partie supérieure
Jardine, Matheson & Co (House of Roosevelt), Le Bund, Shanghai, (House of Roosevelt) avant le rajout des 2 étages en partie supérieure

Après l'achat du lot N°1 sur le Bund, Jardine, Matheson & Co construisit un immeuble de bureaux en 1851, qui fut alors un tournant architectural et répertorié comme l'un des seuls 15 bâtiments de Shanghai patrimoniaux par Sir Banister Fletcher dans son ouvrage "Une Histoire de l'architecture". Puis en 1920, le vieux bâtiment du N°27 fut démoli pour faire place au bâtiment actuel, conçu par MM Stewardson et Spence et propriété de la Jardine, Matheson & Co au commerce toujours plus florissant. Sa façade mesure 173 pieds (51 mètres) et le situe en deuxième position juste après le HSBC Building situé au n ° 12. Longueur de facade rimait avec importance de l'entreprise...

Un destin d'aventurier qui se dessine petit à petit pour Jardine et Matheson

William Jardine
William Jardine

En 1802, le Dr William Jardine exerçait la médecine à bord des navires de la British East India Company naviguant entre Calcutta et Canton (广州). En vertu d'une charte accordée au XVIIe siècle par Charles Ier d'Angleterre, les administrateurs de Leadenhall Street à Londres avaient un monopole sur le commerce britannique entre Inde et Chine. Il était d'usage, cependant, pour les agents de la Société, de réaliser une partie du business à leur propre compte. Afin de régulariser cette situation, la Compagnie des Indes permit à chaque officier et membre d'équipage de posséder, à bord des navires, un espace à peu près égal à deux coffres; ce que les hommes en faisaient ne regardait pas la Compagnie. Notre Docteur William Jardine découvrit bientôt que le commerce des stupéfiants illicites était beaucoup plus lucratif que la médecine. Et c'est au cours d'un voyage où il se trouva à bord d'un navire capturé par les Français qu'il rencontra un autre passager, un Indien Parsi appelé Jamshet Jejeebhouyce, avec qui il allait fonder plus tard un partenariat très lucratif. Ils devinrent de bons amis, et des acteurs de premier plan dans leurs domaines d'activité respectifs, formant une relation de négociation qui allait durer de nombreuses années. A Canton, le Dr Jardine rencontra également un Britannique nommé Hollingworth Magniac qui lui appris par quels moyens, et dans une moindre mesure, le monopole de la Compagnie des Indes pourrait être contourné (voir plus loin). En 1817, Jardine quitta ses premiers employeurs et établit son propre cabinet privé.

James Matheson
James Matheson

Dans le même temps, James Matheson travaillait pour l'entreprise de son oncle à Calcutta. Un jour, son oncle lui confia une lettre à remettre au capitaine d'un navire britannique qui était sur ​​le point de larguer les amarres. James oublia de remettre la lettre. Son oncle, furieux de cette négligence, suggéra au jeune James qu'il ferait mieux rentrer à la maison. Il prit aux mots son oncle et se rendant au port pour chercher un navire pour l'Angleterre, il rencontra un vieux capitaine qui l'en dissuada  : "Pourquoi ne pas essayer Canton à la place?".

James Matheson tenta l'aventure pour Canton. Et c'est là, qu'en 1818, il rencontra Jardine. Les deux hommes formèrent un premier partenariat qui comprenait également Hollingworth Magniac et Beale, un inventeur anglais d'horloges et d'automates. Au début, ils ne firent commerce que sur Bombay et Calcutta, mais étendirent plus tard leur activité jusqu'à Londres. L'entreprise de ces quatre hommes eut une contribution importante dans la cessation, en 1834, du monopole de la Compagnie des Indes en Chine.

Déclin de la Compagnie des Indes et création de la Jardine, Matheson & Co.

La Compagnie des Indes Orientale devenait de plus en plus impopulaire en Grande-Bretagne. Des hommes tels que Sheridan, Elliot, Charles James Fox, William Windham et Edmund Burke étaient ses ennemis acharnés. Beaucoup de britanniques croyaient que la liberté des mers rimaient avec la liberté du commerce. Ils s'étaient battus pendant des années pour établir cette liberté, et de la voir ainsi menacée par une charte royale accordée à un groupe de marchands de Londres ne leur plaisait guère. En outre, certaines méthodes utilisées par la Compagnie des Indes pour contrecarrer ses concurrents suscitaient l'indignation morale des Britanniques.

La concurrence ouverte avec la Compagnie des Indes était une entreprise risquée. La Société avait le pouvoir de punir vigoureusement les transgresseurs - même jusqu'à la suspension pure et simple des activités de ses concurrents. Parfois, les libre-échangistes réussissaient à obtenir une licence auprès de la Société pour s'engager dans le «commerce de pays», c'est à dire en Inde, mais jamais avec la Grande-Bretagne. Dans de rares cas, d'autres commerçants libres, appelés «intrus», entraient en concurrence avec la Société. Les intrus étaient généralement des amis du gouvernement en Angleterre d'où ils avaient été en mesure d'obtenir une charte en leur nom propre. Tôt ou tard, cependant, la Compagnie des Indes réussissaient toujours par révoquer ces chartes.

Il y avait cependant une méthode, qui pouvait permettre à un Britannique d'établir son entreprise sur les chasses gardées de la Compagnie des Indes Orientales. Il fallait accepter d'inscrire son entreprise dans le consulat d'un pays étranger et d'en respecter les lois. Ce fut ainsi que Jardine s'établit à Canton, Magniac lui ayant obtenu un rendez-vous auprès du roi de Prusse. Plus tard, James Matheson s'inscrivit auprès du Danemark et d'Hawaii. Sur cette base, les partenaires n'avaient rien à craindre de la Compagnie des Indes. En fait, avec le temps, les relations entre Jardine, Matheson et la Compagnie des Indes semblèrent même par devenir l'amiable. Il est ainsi rapporté que lorsque les navires de la Compagnie des Indes furent détenus en dehors du port par les autorités, Jardine offrit ses services "sans frais ou récompense". Ces services permirent à la Compagnie des Indes de sauver une somme d'argent considérable et offrirent la reconnaissance pour la société Jardine.

En 1830, les ennemis de la Compagnie des Indes gagnèrent leur bataille, et l'emprise de la Compagnie sur le commerce avec l'Orient s'affaiblit sensiblement. En outre, à la même époque, Magniac et Beale s'apprêtaient à prendre leur retraite. En 1832, deux ans avant que la Compagnie des Indes soit finalement dissoute, William Jardine et James Matheson entrèrent en partenariat formel en créant une entreprise privée commune, Jardine, Matheson & Co.

Création de l'entreprise à Hong Kong

En 1834, le premier navire libre, "Jardines Sarah", quitta les docks de Canton (communément appelés alors Whampoa) avec une cargaison de thé pour Londres. Ce fut le signal que la Compagnie des Indes n'était plus la puissance commerciale de l'Orient, et fut immédiatement suivi par une course pour participer au commerce avec la Chine, alors en développement rapide, et centré sur le thé. A partir du milieu du XVIIe siècle, cette boisson gagna en popularité en Grande-Bretagne ainsi que dans les colonies britanniques, mais le commerce des thés était loin d'être simple et les taxes d'importation s'élevaient bien souvent à 200% de la valeur du produit. Cette taxation exorbitante donna lieu à une contrebande généralisée, créant ainsi un danger supplémentaire pour les entreprises légitimes. Pour être profitable dans le commerce avec la Chine, il fallait toujours garder y-une longueur d'avance sur la concurrence, aussi bien dans les registres légaux que dans ceux qui l'étaient moins! Chaque année, les navires rapides de Grande-Bretagne, d'Europe et d'Amérique attendaient dans les ports chinois pour charger, les premiers, les thés de la nouvelle saison. Les navires ramenaient ensuite au plus vite leurs précieuses cargaisons, chaque tentant d'être le premier à atteindre les marchés de consommation, de manière à obtenir les prix élevés offerts pour les premières livraisons.

La Jardine, Matheson & Co était si bien établie qu'elle détenait une partie enviable du commerce avec la Chine. Matières premières et produits manufacturés étaient importés d'Inde et du Royaume-Uni tandis que thés et soies étaient exportés. En 1842, l'entreprise construisit sa première maison importante et établit son siège social sur l'île de Hong Kong récemment acquise. Une ère de prospérité accrue et d'expansion commença. De nouveaux bureaux furent ouverts à Shanghai, Fuzhou, et Tianjin.

William Keswick, le jeune neveu de M. Jardine, fut envoyé au Japon en 1858 pour y ouvrir un bureau de négociation pour l'entreprise. Il établira un bureau à Yokohama. Au Japon, la Jardine, Matheson & Co se développa rapidement et des bureaux supplémentaires furent ouverts, comme à Kobe, Nagasaki, et d'autres ports. Dès le début, un business rentable y fut réalisé dans les importations, les exportations, le transport et l'assurance.

À la fin du XIXe siècle, les entreprises en Extrême-Orient ne se limitait pas à la simple négociation. L'expansion industrielle avait commencé. Dans son sillage, l'Indo-China Steam Navigation Company fut formée. Profitant de ce développement économique, la Jardine, Matheson & Co créa des sociétés d'assurance, construisit des usines de coton et mit en place de grands quais, des entrepôts, des stockages frigorifiques. Sa diversification fut si grande qu'en 1935, elle établira même une brasserie!

Guerre et reconstruction

En 1932, après la première attaque japonaise sur la Chine, l'entreprise ferma ses bureaux en Mandchourie. Lorsque la guerre éclata en 1941, les Japonais prirent le contrôle des intérêts de la Jardine, Matheson & Co sur Hong Kong et la Chine occupée. Mais l'entreprise fut assez habile pour maintenir, même durant la guerre, les contacts avec les fonctionnaires chinois et la vie commerciale fut ainsi maintenue.

Immédiatement après ​​la cessation des hostilités, le personnel de ces bureaux, libérés des camps d'internement en Chine, furent les premiers à récupérer la propriété des sociétés des forces japonaises. A l'été 1947, dès que les autorités en donnèrent l'autorisation, Jardine, Matheson & Co retourna au Japon.

La suprématie maritime

Dès les premiers jours de l'entreprise, l'expédition peut à juste titre prétendre avoir été la plus importante parmi les nombreuses et diverses entreprises de Jardines. C'était la pratique de la Jardines de posséder les navires les plus rapides armés des meilleurs équipages. L'entreprise visionnaire faisait tout pour maintenir sa position de leader. Il était souvent possible de faire fortune avec la possession exclusive d'un marché même sur une période aussi brève que quelques heures. Inversement, une fortune pourrait être perdue si les livraisons étaient en retard. La vive concurrence pour une expédition plus rapide et plus efficace contribua considérablement au développement rapide des échanges commerciaux avec l'Extrême-Orient. L'excellence de la flotte de la société Jardines fut l'arme essentielle vis à vis de ses rivaux. Au temps de la marine marchande à voile, la plupart des plus célèbres clippers appartenaient à la flotte Jardines. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer quelques noms illustres tels que le "Red Rover", le "Falcon", ou bien encore le "Sylphide". Ce dernier établira un record pour une traversée à voile qui ne fut jamais battu. Il quitta Calcutta pour rejoindre Lintin dans l'estuaire de la rivière des Perles en 17 jours 17 heures.

Le premier bateau de commerce à vapeur en Chine fut construit sur ​​mesure pour l'entreprise en 1835. C'était un petit navire destiné à être utilisé pour le courrier et le transport des passagers entre l'île Lintin, Macao, et Canton. Cependant, après plusieurs voyages, les autorités chinoises, pour des raisons connues d'elles seules, interdirent son entrée dans la rivière. Il fut alors utilisé pour rallier Singapour.

Les premiers bateaux à vapeur appartenant à Jardines reliaient principalement Calcutta et les ports chinois. Ils étaient assez rapide pour qu'ils puissent faire le voyage de 1400 mile en deux jours de moins que les navires de la P. & O..

Au fil du temps, de plus en plus de navires furent achetés pour la flotte de Jardines. Les ports d'escale s'étendaient autant que les conditions le permettaient. La société fut parmi les premières à envoyer des navires au Japon, et à établir un service régulier entre Yokohama, Kobe, et les ports de Chine.

Jusqu'à 1881, les services côtiers et fluviaux entre l'Inde et la Chine étaient opérés par plusieurs entreprises. Mais en 1881, celles-ci fusionnèrent au sein de la Indo-China Steam Navigation Company, Ltd, une entreprise sous la direction de Jardines. Les activités de cette société s'étendirent de l'Inde au Japon, en passant par Bornéo, et, bien sûr, les côtes chinoises où elle se développa rapidement. La société poussa à l'intérieur des terres jusqu'à la rivière Yangtsze sur laquelle une flotte spécialement conçue fut construite pour répondre à toutes les exigences du commerce fluvial. Pendant de nombreuses années, cette flotte fournira un service inégalé.

Jardines établit une réputation si enviable pour la gestion efficace de l'expédition que la Royal Mail Steam Packet Company l'invita à participer à leur ligne qui opérait en Extrême-Orient.

Participations dans des quais et des entrepôts

Suite à une fusion de plusieurs quais de Shanghai en 1875, Jardine, Matheson & Co. fut nommé directeur général de la Shanghai et Hongkew Wharf Co., Ltd. En 1883, la vieille Ningpo Wharf fut ajoutée, et en 1890 la Pootung Wharf fut acheté pour compléter les propriétés de quais déjà étendues de la Société. Pendant trois quarts de siècle, donc, Jardines opéra également comme le grand port de Shanghai.

La Société détenait environ 3000 pieds du quai le plus précieux de Shanghai, la rive Ouest de la rivière Huangpu. A l'Est, à Pudong, les quais s'étendaient sur une longueur de 2550 pieds. Les quais étaient capables d'accueillir dix grands navires océaniques en même temps.

Avant la guerre du Pacifique, la Société possédait également des entrepôts d'un espace total de 2.505.000 pieds carrés!

Jardine Matheson Building (House of Roosevelt), Le Bund, Shanghai

La famille Roosevelt réaménagea le bâtiment en 2008 en s'engageant à en préserver le caractère historique et à en restaurer la gloire passée. La Maison de Roosevelt (House of Roosevelt) est maintenant un établissement de luxe, avec son club privé, ses vins haut de gamme et ses produits gastronomiques. Le président actuel de l'établissement n'est autre que Mr. Tweed Roosevelt, le petit-fils du 26ème Président des États-Unis, Theodore Roosevelt, tandis que le président de la Theodore Roosevelt Association est un neveu du 32e Président des États-Unis Pres. Franklin D. Roosevelt. Un lieu définitivement chargé d'histoire!

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Jardine Matheson Building (House of Roosevelt), Le Bund, Shanghai
Jardine Matheson Building (House of Roosevelt), Le Bund, Shanghai

 

Jardine Matheson Building (House of Roosevelt), Le Bund, Shanghai
Jardine Matheson Building (House of Roosevelt), Le Bund, Shanghai

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